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Cent ans / Armand Gatti

2024

Cent ans dĂ©jĂ  que Armand Gatti est nĂ©. C’est passĂ© vite. À l’occasion de cet anniversaire, nous comptons revenir sur les principaux moments de l’écriture d’Armand Gatti. 

Gatti journaliste
Son Ă©criture commence avec le journalisme en 1945. Il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© immigrĂ© piĂšmontais, maquisard, prisonnier, Ă©vadĂ©, parachutiste SAS. À la fin de la guerre, il quitte Monaco pour se rendre Ă  Paris et se fait embaucher au Parisien libĂ©rĂ©.

On le colle aux chroniques judiciaires. Il fera tous les procĂšs de la collaboration, ceux des massacres commis par l’armĂ©e allemande Ă  Oradour-sur-Glane ainsi qu’à Bordeaux. Celui de la Gestapo de la rue de la Pompe. Peu Ă  peu avec son ami Pierre Joffroy, il va imaginer un journalisme d’enquĂȘte. Sur la dĂ©tention des prisonniers, les plus pauvres, ceux qui n’arriveront jamais Ă  Ă©chapper au cercle de la pauvretĂ©. EnquĂȘte sur les conditions de vie des AlgĂ©riens en France. Chaque enquĂȘte devient un appel au gouvernement. Puis ils feront des enquĂȘtes qui dĂ©passent le cadre de la France, qui parcourent les camps d’Europe oĂč se trouvent des rĂ©fugiĂ©s coincĂ©s dans des camps, cherchant dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă  ne pas rĂ©intĂ©grer leur pays d’origine. Ils feront aussi des enquĂȘtes sur leurs amis artistes qui viennent de l’étranger dĂ©couvrir et peut-ĂȘtre travailler Ă  Paris (À nous deux Paris).

 La derniĂšre enquĂȘte menĂ©e par Gatti sur les dresseurs de fauves intitulĂ©e EnvoyĂ© spĂ©cial dans la cage aux fauves lui vaudra le prix Albert Londres et le titre de Grand reporter, c’est le dĂ©but d’une nouvelle vie.

Gatti Grand Reporter
AprĂ©s le tour de France, commence un premier tour du monde. Son journal l’envoie au Guatemala rendre compte d’un putsch organisĂ© par les AmĂ©ricains. L’assassinat de son guide Felipe le convaincra qu’il n’a plus sa place dans ce mĂ©tier.

De retour, il commence Ă  Ă©crire des piĂšces de thĂ©Ăątre. Le crapaud-buffle sur un dictateur d’un pays imaginaire. Mais il continue son travail de Grand reporter en SibĂ©rie d’abord puis en Chine (avec Chris Marker) puis en CorĂ©e. C’est l’époque oĂč les dĂ©lĂ©gations du monde entier sont invitĂ©es Ă  visiter et comprendre la transformation de ces sociĂ©tĂ©s communistes. Ils traverseront toute la SibĂ©rie, la Chine et la CorĂ©e oĂč Gatti clĂŽture son voyage par l’écriture d’un scĂ©nario pour le film Morambong.

Gatti écrivain des institutions théùtrales
Il fait encore quelques piges pour les journaux mais un nouveau tour du monde commence avec l’écriture thĂ©Ăątrale. GrĂące Ă  la photographe, AgnĂšs Varda, grande amie de Jean Vilar, elle donnera Ă  ce dernier la piĂšce de Gatti, Le crapaud buffle qui sera montĂ© en 1960 Ă  la salle RĂ©camier. C’est le dĂ©but d’une traversĂ©e fulgurante des scĂšnes françaises oĂč les piĂšces d’Armand Gatti, sont montĂ©es Ă  Lyon, Marseille, Toulouse, St Etienne, Paris mais aussi en Allemagne. Tour Ă  tour, le sujet de ses piĂšces se dĂ©placent de la Chine, au Vietnam, Ă  l’émigration italienne aux camps allemands. Il recevra le prix FĂ©nĂ©on pour sa piĂšce Le Poisson noir sur la Chine de Tsin.
En Septembre 68 , coup de gong : le gouvernement De Gaulle interdit la piÚce, de Gatti La passion du général Franco.

Gatti interdit
Le tour du monde par l’écriture continue mais avec de nouvelles modalitĂ©s.
Depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ  les piĂšces de Gatti, sont traduites et jouĂ©es en allemand. MĂȘme La passion du gĂ©nĂ©ral Franco d’ailleurs avec succĂšs. AprĂšs l’interdiction en France, il s’installe Ă  Berlin pour Ă©crire le poĂšme Les personnages de thĂ©Ăątre meurent dans la rue : lĂ  il dĂ©couvre la radicalitĂ© allemande. Il Ă©crit une piĂšce La moitiĂ© du ciel et nous en solidaritĂ© avec Ulrike Meinhof dĂ©tenue. Cette piĂšce marque la fin de l’épisode allemand , il ne sera plus invitĂ© …

Gatti Avec et déterritorialisé
Le tour du monde se continue avec une écriture déterritorialisée.
AprĂšs toutes ces interdictions, l’écriture thĂ©Ăątrale de Gatti ne se pense plus Ă  partir des institutions de la scĂšne. Avec le texte Petit manuel de guĂ©rilla urbaine, son Ă©criture ne se pense plus dans un thĂ©Ăątre mais dans un nouveau dispositif : une salle d’hĂŽpital ou dans une salle de classe pendant les cours. A cette dĂ©territorialisation s’ajoute le fait que le texte est jouĂ© par ceux qui ont Ă©tĂ© tĂ©moin de l’écriture du texte. Une Ă©criture pensĂ©e, rĂ©digĂ©e, avançant en dialogue permanent avec ceux qui participent au travail. Ce grand chantier commencera en Belgique avec deux grandes expĂ©riences, : la premiĂšre dans une usine de Schaerbeek sur La colonne Durruti. Et l’autre dans la campagne du Brabant wallon avec toujours les Ă©tudiants de l’IAD.
Non seulement c’est un travail avec
 Mais un travail Ă©galement complĂštement dĂ©territorialisĂ©. Depuis 1975, jusqu’à la fin de sa vie, il arrivera Ă  tenir son Ă©criture dans l’avec et la dĂ©territorialisation radicale (disciple d’une certaine façon de Guattari et Deleuze).

Le dernier Ă©pisode de ces Ă©critures, tout en gardant le mĂȘme cadre de l’écriture avec et de la dĂ©territorialisation se fixera sur le projet de construire une cathĂ©drale Ă  la RĂ©sistance. La clĂ© du dispositif, le mathĂ©maticien rĂ©sistant Jean CavaillĂšs et le rĂ©seau Cohors. Les lectures de CavaillĂšs vont peu Ă  peu faire dĂ©couvrir Ă  Gatti la physique quantique et une pensĂ©e qui met Ă  mal le dĂ©terminisme. Enfin ! Avec CavaillĂ©s et la physique quantique, Armand Gatti arpentera Strabourg, Sarcelles, Ville Evrard, le Cern, GenĂšve etc.
Texte aprĂšs texte, il arpente cette cathĂ©drale, certains diront ce projet Ă©lĂ©phantesque et ils ont raison parce que les cathĂ©drales ont souvent la forme d’élĂ©phants

Les noms de Jean CavaillĂ©s, de Rosa Luxembourg, des fusillĂ©s de Tarnac, de Sacco et Vanzetti, du groupe Manouchian, de Roger Rouxel, de Camilo Torres, de MichĂšle Firk, d’Ulrike Meinhof rappelle que depuis son premier livre Bas relief pour un dĂ©capitĂ© jusqu’aux derniers Ă©pisodes de la TraversĂ©e des langages, durant toute sa vie Armand Gatti n’a finalement dĂ©fendu qu’une seule idĂ©e : donner aux martyrs et aux combattants quelques instants de plus Ă  vivre, les libĂ©rer de la fusillade, de la chaise Ă©lectrique et de la dĂ©capitation pour retrouver la puissance de leur conviction. SG